jeudi 30 juin 2011

Deux perles de Konya


Un nouveau paysage qui se dévoile derrière un col, la chaleur de l'accueil d'une famille dans un patelin reculé d'Anatolie, ou le simple sourire d'un vieillard qui nous salue sur la route... Un voyage itinérant, c'est comme un très long collier, une enfilade de dizaines de petites perles comme celles-là. A défaut de pouvoir toutes les partager, en voici deux petites...

28 juin
Huseyn habite dans un petit appartement au 9e étage d'une grande tour de la banlieue de Konya. Il nous y héberge pour 2 jours. C'est un adepte du soufisme, une philosophie musulmane qui prône l'amour et la tolérance. Il nous regarde avec ses yeux pétillants d'intelligence.
« Un jour le prophète Mahomet monta au ciel, et y rencontra Allah, avec qui il a eu une longue discussion. Il redescendit ensuite sur terre, la tête chargée des secrets qui lui avaient été confies.
Ne pouvant supporter seul le fardeau de ces secrets, il en confia une partie a son fidèle disciple Ali. Celui-ci, également accable par le poids de si lourds secrets, s'en fut a la campagne et chuchota les secrets d'Allah a la margelle d'un puits.
Le puits a son tour, sous le poids des mystérieux secrets, se mit a déborder. L'eau ruissella sur la terre alentours, et des bambous y poussèrent. Lorsque le vent soufflait dans les bambous, ils produisaient un doux sifflement. Un homme remarqua cela, prit un bambou, le tailla en flûte, et reproduisit avec cet instrument le son du vent dans les bambous.
Un jour, le prophète Mahomet et son disciple Ali s'en furent se promener dans la campagne, et ils entendirent le son de la flûte.
- Ali, ne reconnais-tu pas la les secrets confies par Allah ?
- Je te demande pardon, Prohete, les secrets étaient si lourds pour moi que je les ai confiés a un puits, non loin d'ici...
- Ne t'excuse pas Ali, car de toutes façons, sous forme du sifflement d'une flûte, les secrets resteront a jamais mystérieux pour les Hommes... »

Il saisit sa ney, la flûte de bambou dont est question l'histoire qu'il vient de nous conter : I like this song, and I want to share it with you !
Huseyn nous joue une musique envoûtante, un « very emotional sound »... pour quelques instants de magie...

29 juin
C'est notre dernière soirée chez Huseyn, nous partageons une tarte concoctée par Elise dans l'étrange four électrique tout rond trouvé dans la cuisine (en fait, un four spécial burek). Après le repas, Huseyn doit retourner travailler ; il nous propose de regarder la télé, si nous le souhaitons. On trouve le canal TV5 Monde, en français. Il est 21h30, 20h30 heure française, la diffusion du JT de France 2 en léger différé commence tout juste... et s'ouvre sur le large sourire de David Pujadas annonçant la libération de Herve Guesquiere et de Stephane Taponier en Afghanistan !
C'est comme une micro-dose de bonheur injectée dans les veines... Le mélange du petit plaisir (bien humain quand on est loin de chez soi depuis 4 mois), de pouvoir regarder le JT français et d'y retrouver la bouille de notre Juppé national, et de la surprise d'y apprendre une si bonne nouvelle, toute fraîchement tombée. La joie aussi, sans doute, de partager cette émotion quasiment en temps réel avec la France...

mardi 21 juin 2011

Parenthèse citadine

Qui l'aurait cru ? Après plus de 3 mois d’itinérance, nous voilà à quai 2 semaines entières dans une mégalopole de plus de 18 millions  d'habitants, le temps de faire notre visa pour le Turkmenistan. On aurait jamais imagine pouvoir tenir en place !


Les Vapur et les deniz otobus coupent la route aux tankers et aux porte-containeurs qui remontent ou descendent le Bosphore, entre la Mer Noire et la Mer de Marmara. Pour limiter les risques d'accident, la circulation ne se fait plus qu'a sens unique , avec une rotation toutes les 12 heures... a chaque extremite du detroit, telle une flotte de guerre, une armada de cargos attendent patiemment a l'ancre l'autorisation pour s'y engager. 10 jours avant les elections, Erdogan a parle de construire un gigantesque canal de contournement pour le trafic maritime, a l'Ouest du Bosphore : encore un projet titanesque qui fait deja polemique...

Istanbul, cette ville cosmopolite, qui s'étend de part et d'autre du Bosphore est une petite merveille. Des mosquées à nous faire tourner la tête (il y en a plus de 1000), des bazars où tout se vend et s'achète, des terrasses avec vue sur le Bosphore et des ruelles constamment animées dans lesquelles il fait bon flâner et déguster les pâtisseries turques...


Les panoramas sur Istanbul sont dominés par des centaines de minarets. Ici, ceux de la Mosquée Bleue et de Sainte Sophie.


Sainte-Sophie : l'epoustouflante eglise de Constantinople, capitale de l'empire romain d'Orient, fut transformee en mosquee par les ottomans, puis en musee par Ataturk. A couper le souffle.

La citerne basilique : 336 colonnes formaient sous terre une reserve de 100 000 tonnes d'eau pour la ville d'Istanbul...

Les bazars ne sont pas si desorganises qu'on pourrait penser : chaque objet a son quartier et pas question de trouver une enveloppe dans le coin des crayons !

Priere dans une mosquee d'Uskuder, sur la rive asiatique d'Istanbul.

Le "cay", est la boisson prefere des turcs...

Notre pause stambouillote a été très appréciable grâce à Denis et Marie, un adorable couple d’expatriés français travaillant à Istanbul depuis 3 ans... Chez eux nous avons trouvé le confort de la vie sédentaire, de précieuses explications sur ce pays, mais aussi de quoi rassasier notre besoin de francophonie (musique, journaux, films et discussions...).

Denis, Marie et les enfants...



Depuis le balcon de Denis et Marie, vue imprenable sur le Bosphore...


Petit deballage de notre barda devant les eleves de Marie, instit en maternelle... Le fait que nous n'ayons plus de maison a beaucoup perturbe les enfants !

Istanbul, c'est aussi un passage obligé pour les voyageurs en provenance d'Europe qui désirent suivre la Route de la Soie. Ainsi, même dans une aussi grande ville, nous avons rencontré d'autres cyclotouristes (facilement démasqués grâce aux sacoches de guidon qui servent aussi de sac a main !). Nous avons pu échanger avec un allemand , un taiwanais, un couple de néo-zelandais... et un breton !
Et oui, le monde est petit. Damien vient de Trébeurden. Il a commence sa route a Bourges avec son vélo couché, et va aller jusqu'au Kazakstan...


Activite puzzle avec les cyclotouristes neo-zelandais chez Kerem, un turc qui nous a heberge quelques jours du cote asiatique d'Istanbul

Depuis quelques jours nous sentons l'appel de la bicyclette ! Nous avons obtenu hier, enfin, notre visa de transit pour le Turkmenistan... il est donc temps de filer !!
Nous quittons Istanbul cet apres-midi en train vers Eskisehir, et demain nous pedalerons a travers la valle phyrigienne et les plateaux anatoliens vers Afyon, Konya (capitale des Derviche-Tourneurs), puis la Cappadoce, où nous retrouverons Luc, le frère d’Élise !

jeudi 9 juin 2011

Güle Güle Git !

Apres le suisse-allemand, l'italien, le slovène, le serbo-croate, l'albanais, le macédonien et le bulgare, nous devons a présent nous plonger dans la langue turque. Passionnant ! C'est un idiome parlé de Belgrade à Kashgar, dont le groupe linguistique comprend aussi l'azéri, le kirghize ou le kazakh... Autrement dit, une langue incontournable sur la Route de la Soie : elle nous servira beaucoup, nous mettons donc le paquet pour découvrir sa grammaire, son système de suffixation et sa syntaxe. La logique de la langue, simplifiée par Ataturk en 1928, est telle qu'elle a servi de modèle a la création de l'esperanto.

Compagnons indispensables du voyageur en immersion totale :
le guide de conversation Assimil, un cahier, un stylo !

La syntaxe et la conjugaison sont extrêmement différentes de celles des langues latines. Les mots sont formes par agglutination, c'est a dire par addition de suffixes a un mot base. Ainsi, arkadaslarima est la concaténation de arkadas-lar-im-a, c'est a dire litteralement ami-pluriel-mon-directif, ce qui se traduit par « a mes amis ».

Le turc est aussi très plaisant pour les nombreuses expressions dédiees aux salutations, qui sont souvent très évocatrices : ainsi, lors de notre arrivée dans un village, un café ou une maison, est-on invariablement accueilli par « Hosgeldiniz » (bienvenue), auquel nous repondons par « Hosbulduk » (nous-trouvons-agreable-d'etre-ici).

Pour remercier la maitresse de maison d'un bon repas peut-on lui adresser un aimable « Elinize saglik », ce qui signifie « Santé sur vos mains ! ». Enfin, au moment de quitter nos hotes d'une nuit ou d'un repas, nous sommes salués par « Gule gule git » (Pars en souriant), auquel nous répondons « Hosca kal » (Reste ici en paix)... ce qui a tout de meme plus de charme qu'un vulgaire Ciao !

Itineraire bis

Edirne, première ville turque après le passage de la frontière, nous a réservé quelques belles surprises. A commencer par ses magnifiques mosquées, bâties par le célèbre architecte ottoman Sinan pour le sultan Soliman le Magnifique. Élégance des minarets, finesse des arabesques, des motifs et des décorations en faïence, douceur des couleurs pastel et ocres... des petits chefs d'oeuvre, de vrais bijoux dans une ville pourtant méconnue des touristes...































Pour rallier Istanbul depuis Edirne, nous aurions pu prendre la route directe – une autoroute majeure qui relie la Turquie a l'Europe – puis aborder la ville tentaculaire de 20 millions d'habitants au travers d'interminables banlieues, au milieu d'un trafic monstre et sur de véritables autoroutes urbaines.
Nous avons préféré opter pour le chemin des écoliers, un itinéraire bis qui nous a conduit a descendre au Sud sur la péninsule de Gelibolu, franchir le détroit des Dardanelles a bord d'un traversier, faire une petite escale a Cannakale, puis remonter sur la rive Sud de la mer de Marmara jusqu'à Bandirma, ou nous avons pu embarquer sur un ferry rapide a destination du centre historique d'Istanbul...







Le détroit des Dardanelles : 10 minutes de traversée suffisent à vous transporter d'Europe en Asie, en coupant la route aux cargos rouillés, porte-conteneurs surchargés et autres gaziers en provenance de la Mer Noire ou de la Mediterranee. Lieu chargé d'histoire, le detroit fut convoité par toutes les grandes nations de ce monde qui se battirent contre les ottomans pour le contrôle de ce point stratégique.

80, 90, 100, 110 km... depuis Skopje, les kilometrages se sont allongés. Nous adaptons aussi nos journées à la chaleur qui commence a devenir génante : nous partons tôt le matin pour rouler a la fraîche, et le plus longtemps possible. On essaie de rouler 50, 60, 70 km avant de s'arreter déjeuner lorsque la chaleur devient etouffante. On repart en fin d'apres-midi et on essaie de prolonger les journées jusqu'à 19h ou 20h.




Ces grosses journees peuvent parfois générer de petites pannes : Ici, Elise tombe a plat dans une patisserie a 15h, apres avoir mange un burek (remede : 30 minutes de sieste) ... et Thomas tombe en panne totale de molets à 19h, avec 100 km au compteur (remede : 3 figues seches et une bonne tartine).


C'est toujours incroyable de constater la difference qu'on trouve dans les acoutrements et les comportements des gens en s'eloignant seulement de quelques kilometres d'une ville ou d'un axe principal. Apres l'émotion provoquée par les mosquées d'Edirne, il y a eu la surprise à pénétrer dans ces villages pourtant pas si reculés que ça (on est pas encore au fin fond de l'Anatolie !), et à y etre devisagés par une ribambelle d'anciens atablés autour d'un caj (the).
Et il y a cette experience de l'hospitalite et de l'accueil turcs : hebergés dans la mairie, dans le poste de santé ou dans le jardin de la mosquée des villages que nous traversons, nous sommes régalés par nos voisins d'un soir à coup de grands plateaux de tomates, de concombres, de yaourt, de poivron, de riz... A midi, alors que nous demandons s'il y a une petite epicerie en traversant le village de Ahmetler, un imam nous invite très spontanement a dejeuner chez lui. Le lendemain matin, nous partageons un plateau de tomate et de fromage frais avec un jeune épicier et ses parents agriculteurs... Et il faut ajouter a cela les nombreuses invitations au thé, une institution ici...










Une belle introduction à l'hospitalité turque puisque nous
avons été accueillis chaleureusement à chacune de nos étapes. 


Nous sommes donc arrives dimanche en fin d'apres-midi en plein coeur d'Istanbul, apres 2h de traversée de la mer de Marmara, 5250 km au compteur et 98 jours depuis notre depart de Mantallot (dont 75 jours pédalés). Un rapide coup d'oeil a notre itineraire previsionnel nous confirme que nous sommes -sans le faire exprès- pile poil dans les clous en terme de timing, mais que nous avons roule 600 km de plus que prévu ! D'ailleurs, si vous vous amusez a mesurer l'itineraire direct Mantallot-Istanbul sur Google Maps, vous obtiendrez seulement ... 3500 km ! Décidément, il faut croire que nous aimons bien les chemins des écoliers !


Arrivée a Istanbul... ah, que le Bosphore est bleu !
Au programme de notre halte stambouliote : repos des guerriers, entretien des montures, quelques formalités administratives (ah, les joies des consulats pour obtenir les visas...), et, bien sûr, un peu de tourisme ! Istanbul est une bien belle ville qui mérite bien 2 semaines d'escale, notre plus longue pause depuis le depart... 

vendredi 3 juin 2011

Et de 5000 !




Nous avons franchi hier deux etapes symboliques : les 5000 km d'abord, puis une petite heure plus tard le détroit des Dardanelles. Nous voici donc sur le continent asiatique !
Nous arriverons a Istanbul dimanche, et vous donnerons alors les petites nouvelles de nos premiers jours au pays des turc.
En attendant, voici le récit des derniers jours en Macedoine et en Bulgarie... Désolé pour le délai dans la parution des nouvelles ! N'oubliez pas que vous pouvez suivre notre avancement sur la petite carte Google Map, en cliquant sur "Ou est-on ?", à gauche de la page.