jeudi 29 septembre 2011

Derniers cols avant la Chine...

Des cailloux, de la poussière et de la tôle ondulée

Lorsque nous quittons le paradisiaque Song Kol, c'est pour emprunter une longue et mauvaise piste et rejoindre, via Kazarman et Jalal Abad, la vallée de Fergana. Et, de là, la Chine.

On commence par dévaler 600 mètres d'un coup sur une piste qui vient dessiner une trentaine de lacets dans le versant abrupt de la montagne. A mesure que l'on descend, le revêtement empire, les cailloux en forme de galets envahissent la piste. On poursuit notre descente tant bien que mal et arrivons finalement en vue de la large vallée de la Naryn. Au village de Kutka, on s'arrête déjeuner d'un bol de lagman, et faisons quelques provisions : quatre paquets de nouilles chinoises, 1 litre de confiture, deux sacs de biscuits secs.

On poursuit notre route vers Kazarman. La piste est si insupportable que parfois il vaut mieux la quitter et rouler sur le sol aride de terre craquelée qui la borde, au milieu des buissons épineux, en suivant d'hypothétiques traces de chevaux et de véhicules.

Le lendemain, on doit grimper un col à 2800m, puis redescendre. Puis remonter de 300m. Puis redescendre. Cette piste est un enfer. Nos petits vélos sont sales comme jamais (et nous aussi!) ; la poussière s'incruste dans toutes les parties sensibles. Nous prenons le pli de les dépoussiérer soigneusement tous les soirs, armés d'un chiffon et d'une brosse à dents. Nettoyer la transmission est le minimum syndical, mais un coup sur les freins et les câbles ne fait pas de mal non plus...

Nous trimbalons plus de 10 litres de flotte avec nous, car l'eau est ressource rare sur cet itinéraire. Nous croisons une rivière dans l'après-midi, nous y faisons le plein et nous lavons tous les deux presque entièrement. Nous filtrons toute l'eau que nous buvons, ce qui représente un petit exercice physique supplémentaire qui vient agrémenter nos pauses : faire passer trois litres d'eau à travers un filtre à céramique de 0,2 microns nécessite un peu d'huile de coude !

Les kilomètres défilent lentement, trop lentement. En montée, on ne dépasse guerre les 5 ou 6 km/h, et maintenir le vélo en équilibre entre les cailloux et les bosses de la tôle ondulée requiert une attention permanente. En descente, on ne profite même pas, arc-boutés sur nos freins à zig-zaguer sur toute la largeur de la piste, d'un côté puis de l'autre, pour essayer de trouver le meilleur revêtement.

- C'est comment où t'es ? - Pas trop mal !

A 17 heures, on a parcouru 55 km, et on est épuisés comme après une journée de 100 km ! On s'est fixé 60 comme objectif. On vise la dernière petite montée, face à nous, et on se prend à rêver :

- Derrière il y a sûrement une prairie parfaite pour camper, avec de l'herbe bien tendre...
- Et plein d'autres cyclos qui y font étape ce soir !
- D'ailleurs il y a sûrement une auberge de jeunesse.
- Qui nous servira une bonne omelette aux herbes et aux champignons.
- Et une délicieuse tarte aux poireaux !
- Et de la crème brûlée !
- Et des bières bien fraîches en pression !
- Je sais : derrière ce col, il y a le Bar de la Plage !!

Lorsqu'on passe finalement le petit col, 5 km de descente nous attendent : en bas, une petite maison en terre, toute seule, isolée. Elise prévient :

- S'il n'y a pas de femmes, on ne s'y arrête pas !

C'est qu'on a pas spécialement envie de passer la soirée avec un bucheron solitaire alcoolique... Deux chiens aboient lorsqu'on passe, au ralenti, devant la maison. Une vieille dame et trois petites gamines pointent leur nez par la porte et rappellent leurs chiens, puis nous font signe de venir. Une autre femme nous invite au thé ! Voilà, c'est là que nous passerons la nuit ce soir, chaleureusement accueillis et nourris par Burmagül, sa mère et sa belle-soeur !

Le lendemain on passe trois, peut-être quatre petits cols dans la matinée. De ces cols si insignifiants dans le vaste paysage accidenté qui nous entoure, qu'ils ne portent même pas de nom...

On maudit l'abruti de topographe qui a tracé cette route, comme s'il avait voulu prendre un malin plaisir à nous faire grimper sur les versants et redescendre dans les vallons. A quelques kilomètres à vol d'oiseau d'ici coule paisiblement le fleuve Naryn : longer ses berges aurait sans doute été une option bien plus intelligente pour éviter tout ce dénivelé. Le soir venu, on lira dans notre guide que la route fut construite en 1903 par les militaires russes... tout s'explique ! En attendant, on jure, on s'énerve, on dérape, on crie, on maudit l'imbécile de topographe, on se demande ce qu'on peut bien foutre là, mais on avance tant bien que mal...

Enfin, peu après un village, la piste amorce une longue descente pour rattraper la vallée de la Naryn. Nous traversons le fleuve et, enfin, arrivons à Kazarman. La ville s'étale dans de longues rues paresseuses, où déambulent vaches, ânes et chevaux. Ville tranquille, ville morte, ville fantôme ?

On nous indique une maison d'hôtes où passer la nuit : nous toquons, franchissons le portail, et trouvons dans la cour 4 personnes et 2 vélos : Frédérique et Audrey sont deux randonneuses françaises en vacances au Kyrghizstan ; Lorenzo et Lisa voyagent à vélo depuis le Kazakhstan jusqu'en Chine. Il est belge et elle est hollandaise. Soirée improbable mais tellement agréable, à boire des bières sur la terrasse et se raconter nos voyages respectifs...

Retour en vallée de Fergana

Après Kazarman, c'est le col de Kaldama, 3060m, qui nous attend. Sur une piste toujours éreintante, on rejoint le pied de la longue montée vers le col, et bivouaquons là.

Le temps est couvert, plutôt frais, et on est fatigués de cette nouvelle journée de montagne russe sur de la mauvaise piste. De plus, on est pas très satisfaits de notre lieu de bivouac, et un semblant d'inquiétude nous habite en pensant à la difficile ascension du lendemain. Pour couronner le tout, voilà le filtre en céramique qui casse brusquement pendant la rituelle opération de filtrage de l'eau... Décidément, ce soir, c'est bivouac de mauvais poil !

La montée au col, le lendemain, s'avère bien plus facile que ce qu'on imaginait. On arrive au sommet presque surpris, d'autant plus que l'altimètre avait 200 m d'erreur... De l'autre côté, on croise Mat, un cyclo anglais parti de Pékin, en route pour Manchester... On discute longuement sur le côté de la route, puis un petit gamin sorti de la yourte juste à côté vient nous offrir du pain, du beurre et de la crème, du fromage, du thé... Moment magique !

C'est marrant, on a jamais eu une aussi mauvaise piste, et en même temps on a jamais rencontré autant de cyclistes : hier, trois allemands, un espagnol et une anglaise... et Mat nous apprend que deux français en vélo couché le suivent à une demi-journée...

Nuit dans un jardin, puis suite de la descente vers Jalal Abad le lendemain. On a retrouvé le bitume, et filons à toute allure avec le vent dans le dos, sur un agréable faux plat. On dépasse Jalal-Abad, et continuons jusqu'à Ozgen, où nous arrivons avec 100 km au compteur. Le seul hôtel de la ville est correct, si ce n'est que douche et WC ne sont qu'une seule et même petite cabine avec un trou au milieu. La patronne est insupportable, elle nous aboie dessus... vraiment pas accueillant.

Le lendemain nous sommes à Osh, deuxième ville du pays. Dans un petit appartement qui sert d'auberge pas chère pour baroudeurs (4 euros/pers), on rencontre un australien qui est venu de Malaisie à vélo, mais veut poursuivre son voyage à cheval. On est tous un peu les uns sur les autres, mais c'est ça qu'est bien ! Et l'ambiance est bon enfant... On partage notre piaule avec un turc, une japonaise, et avec Adam, un cycliste néo-zélandais.

Au marché, les échoppes incendiées, les murs noircis, les vitres éclatées, les carcasses rouillées des hangars effondrés donnent une triste ambiance à la ville. Osh a été le théâtre d'affrontements sanglants en 2010 entre ouzbèkes et kyrghizes.

Derniers cols avant la Chine

De Osh, il n'y a plus que 4 cols à nous séparer de la Chine. Le col de Chyiyrchyl, 2389m, n'est qu'une formalité. Puis on se dirige vers le col de Taldyk, 3615m. Les chinois travaillent d'arrache-pied pour finir de bitumer la route, et le tronçon le plus haut est encore une piste fort poussiéreuse. Mais quelle surprise nous attend de l'autre côté : face à nous, de l'autre côté de la jolie vallée de Sary-Tash, les hauts sommets enneigés du Pamir s'élèvent à plus de 6000 mètres, dominés par le Pic Lénine, à 7134m.



mercredi 21 septembre 2011

Au pays des yourtes, des chevaux et des montagnes

Décollage immédiat
Tash Komur, jeudi 8 septembre. De crainte de ne pas avoir le temps de faire notre boucle kirghize dans le temps imparti par notre visa, nous décidons d'embarquer dans un taxi partagé vers le nord du pays. Mais à peine avons nous parcouru 50 km que nous regrettons... La route est en très bon état, le trafic très tranquille et surtout, les paysages sont magnifiques : de barrage en barrage, dans des gorges encaissées, nous remontons le cours du fleuve Naryn, et contournons le lac de Toktogul, d'un bleu profond. Par les fenêtres de notre petit van défilent des reliefs surprenant et colorés. Puis nous nous engageons dans un joli vallon boisé, le long d'une petite rivière, jusqu'au col d'Ala-Bel. Après les déserts iranien et ouzbèke, le changement est radical ! 


Juste derrière le col s'étendent des jailoos, ces grandes steppes peuplées de chevaux, de moutons, de vaches et de yourtes. On en peut plus, on bout d'impatience de rouler dans ces étendues. C'est plus fort que nous, alors on craque et on demande au chauffeur, qui ne comprend pas bien pourquoi, de nous laisser là, à 100km de notre destination initiale. En quelques minutes, nos petits vélos sont remontés, et nous, parés de nos vêtements chauds. Avec l'altitude, nous avons perdu plus de 15 degrés. C'est un pur bonheur : on descend tranquillement la route, les yeux grands écarquillés pour découvrir ces nouveaux visages, ces nouvelles habitations, ces nouveaux paysages... Le soir on trouve un joli petit bivouac pour planter notre tente et on se couche en ayant l'impression d'avoir pris un avion. 

Confiture et sauna 
Après trois jours de piste dans la vallée de la Suusamyr, nous arrivons au petit village de Kyzart par un temps orageux. On ne se voit pas planter la tente ce soir car il y a trop de vent. On reprend donc nos habitudes turques et nous dirigeons vers la mosquée du village. L'imam nous oriente vers une maison voisine, où nous sommes accueillis avec du thé, du pain, de la crème et une succulente confiture de fraises. Alors qu'on essaie de se faire comprendre par la gestuelle pour savoir s'il va pleuvoir demain, la famille comprend que nous voulons prendre une douche. On nous emmène dans une petite cabane en bois, au milieu du village, où nous découvrons à notre grand étonnement … un sauna ! Comme il n'y a pas l'eau courante dans les maisons, un sauna municipal est ouvert quelques jours par semaine. Une surprise bienvenue après plusieurs jours à nous débarbouiller dans l'eau froide des rivières ! Cela nous fait l'effet d'un calmant et ce soir là, nous nous couchons à 8h du soir... 

La clé de 16 du paradis 
Au petit matin, nous quittons la famille, une soupe de pommes de terres et d'abats de moutons dans le ventre. Nous voilà prêts à affronter la montée jusqu'au lac de Song Kol, un lac glaciaire, perché à 3000m d'altitude. La carte est peu précise, et les indications des locaux encore moins : hier soir deux jeunes à cheval nous avaient annoncé 20 kilomètres de montée ; ce matin notre hôte nous parle de 30, et plus tard sur la route un noble vieillard juché sur un beau cheval noir nous indique 100 kilomètres de piste jusqu'au lac ! Nous commençons à grimper sur une jolie piste qui serpente dans les versants herbagers d'un petit vallon, et suivons les dizaines de mètres défiler lentement sur l'altimètre. A 2400 m, on s'arrête le long du ruisseau pour y faire une petite lessive. A 2600 m, on grignote une poignée de cacahuètes enrobées de sésame. 2700 m, on filtre 3 litres d'eau, et on remplit nos gourdes. La piste se fait ensuite plus raide, et la terre cède la place aux cailloux. Les pneus dérapent sur les rocs, l'équilibre est difficile à basse vitesse, les embardées et les pieds à terre de plus en plus fréquents. 2800 m, nouvelle pause grignotage. En repartant, CRAC ! Voilà la chaîne du vélo de Thomas qui lâche subitement, sur une piste où nous avons croisé en tout et pour tout depuis 4 heures qu'une voiture et un cavalier... 


Je prévoyais la fin de vie prochaine de la chaîne et de la cassette de pignons, et je transporte donc dans mes sacoches une cassette et une chaîne neuves, livrée par mes parents à Tashkent. Plutôt que de changer par anticipation, j'ai préféré attendre les vrais signaux d'usure...Dommage ! Car, course à la légèreté oblige, toute la boîte à outils du bon bricoleur à vélo n'a pu rentrer dans nos sacoches. J'ai ainsi choisi d'emporter un démonte-cassette, mais pas la clé de 16 nécessaire pour le faire tourner, faisant le pari suivant : un démonte-cassette, c'est pas facile à trouver, mais c'est léger, mieux vaut l'avoir avec soi ; une clé de 16, c'est lourd mais on en trouve partout dans le monde, jusque dans les patelins les plus reculés... Enfin, à Song Kol, on en doute quand même ! 
Impossible donc de remplacer maintenant la cassette de pignons. Et monter la chaîne neuve sur la vieille cassette, que je dois de toutes façons remplacer, serait du gâchis. Je dois donc me contenter d'une réparation de fortune : je remplace la paire de maillons défectueuse. 10 minutes plus tard, nous repartons, et PAF !, deuxième rupture, c'est un autre maillon qui lâche... Je répare une deuxième fois, avec une autre paire de maillons de rechange. Mais je n'insiste pas, la pente est trop raide, le vélo trop chargé et la piste trop mauvaise... Bref, la tension demandée à ma vieille chaîne est bien trop forte... Tant pis pour moi, je poursuivrai en poussant le vélo. 
50 mètres plus haut, Liv est épuisée, il est déjà 15 heures et la vraie faim se fait sentir. Une poignée de cacahuètes n'y peut plus suffire, il faut du costaud, alors on sort l'artillerie lourde. On s'affale sur le bord de la piste et sortons des sacoches la petite boîte de paté Henaff qui nous reste de l'approvisionnement de Tashkent : un vrai régal sur du pain frais de ce matin, avec une tablette de Milka en dessert... voilà un déjeuner réparateur ! 
300 mètres nous séparent encore du col, on les grimpe tant bien que mal, en poussant nos vélos. Et enfin, au détour d'une épingle, sans prévenir, la vue se dégage brusquement sur un immense plateau, bien plus grand que ce que l'on imaginait, et au milieu duquel s'étend un vaste lac bleu profond : le voilà ce fameux Song Kol... 

La saison est déjà bien avancée, mais il reste ça et là des campements nomades : les yourtes sont éparpillées sur le plateau comme des marguerites dans une grande pelouse, ou comme l'écrit poétiquement Ella Maillard « comme des œufs de mouche sur un pli de viande avariée ». Des troupeaux de chevaux, de moutons et de chèvres déambulent en liberté dans cet immense espace où règne un silence assourdissant. Le spectacle, contemplé depuis le col, est grandiose. Nous prenons le temps de nous en imprégner, avant de descendre tranquillement vers le lac sur une piste qui devient rapidement une simple trace au milieu des herbes, comme un doux tapis de velours. Quel plaisir de descendre sur ce ruban de feutre après avoir poussé le vélo dans les cailloux ! On se laisse guider par les chemins traces. Elise repère une yourte à proximité où deux chiots mignons comme tout aboient gentiment. Lorsque Thomas franchit le petit ruisseau qui nous en sépare, CRAC !, voilà la chaîne qui re-casse une troisième fois. « Putain ! », crie-t-il dans un coup de colère, mais Elise est déjà toute affairée à faire des papouilles aux deux chiots sous le regard amusé d'un petit gamin de 3 ans, et la maman qui sort de la yourte nous invite à prendre le thé... Nous avons trouvé notre famille d'adoption pour 2 nuits ! 


Nous voilà sous la yourte, à nous régaler à nouveau d'une délicieuse confiture sur du pain maison, tout en sirotant thé sur thé. Le père Cemil, et son fiston de 12 ans, Mered, sont bientôt de retour au foyer et je leur explique mon souci : trouver une clé pour pouvoir manœuvrer mon démonte-cassette. Mered, du haut de ses 12 ans, est vif comme l'éclair : en deux secondes il a compris et me ramène une petite pince. Ici, ils n'ont rien de mieux. Il me regarde attentivement décharger les sacoches, retourner Aranda, démonter la roue et sortir ma petite trousse à outils. Et nous voici, lui à tenir le fouet de chaîne pour maintenir la cassette, moi à serrer fermement la pince en essayant de faire tourner le démonte-cassette... sans succès, la pince dérape à chaque coup. Le père, qui suit également l'opération, semble soudain avoir une idée. Du petit étui en cuir qu'il porte en bandoulière, comme tous les nomades croisés sur le plateau, il sort une vieille paire de jumelles, et regarde au loin chez la yourte des voisins : oui, il y a du monde ! Ceux-là ont une auto, ils doivent bien avoir des outils ! Sitôt dit sitôt fait, nous filons à travers le plateau chez les voisins, lui à cheval et moi avec Buzuk. Le voisin n'est pas là mais sa femme nous laisse fouiller dans la caisse à outils dans la voiture : bingo ! Voilà une clé de 16 ! Mais halte là jeune homme, on ne repart pas comme ça sans avoir bu un petit kymyz ! Cette fois, il faut y passer, et tout à ma joie d'avoir finalement trouvé ici, en plein cœur du Kyrgyzstan, sur un plateau désert à 3000 mètres d'altitude, l'outil qui me manquait, j'avale sans broncher mon bol de lait de jument fermenté. C'est acide et ça pique, mais c'est excellent pour la santé, parait-il ! 
De retour chez Cemil et Djepar, à l'aide de Mered, je change la cassette, je nettoie à fond les dérailleurs et le pédalier, j'installe la nouvelle chaîne... Aranda est prête à repartir, la transmission comme neuve ! 

Instants de vie de nomade 
Cemil et Djepar ont 4 enfants. Chaque année, ils installent leur yourte au lac à partir du mois de mai et jusqu'au mois d'octobre. Ils montent avec leurs animaux (12 juments, 1 vache et une trentaine de brebis), et ceux qu'on leur a confiés. Cette année ils ont donc plus de 200 brebis et chèvres. Chaque matin, Djepar trait sa vache puis écrème le lait, et Cemil part à dos de cheval mener les brebis et chèvres pâturer. Les juments sont traites le soir et laissées en liberté toute la nuit et la journée... Mered est très doué pour retrouver tous ces troupeaux au milieu des autres, et les faire rentrer a la maison. 
La famille est presque auto-suffisante en nourriture. Heureusement car leur seul revenu est celui du gardiennage des animaux : chaque brebis ou chèvre gardée 5 mois au lac leur rapporte 1,50 euros. Les nuits sont fraîches et nous apprécions dormir dans la yourte, même si nous sommes coincés entre les bouts de viande de cheval à sécher, la panse d'estomac de mouton remplie de beurre et le caillé de fromage... 

Les yourtes ne sont pas bien grandes, mais pas besoin de plus. Un poêle, alimenté toute la journée par des bouses de vache sèches ou du charbon, sert à faire cuire le pain, chauffer l'eau pour le thé et mijoter la soupe... Le petit panneau solaire aperçu à l'extérieur est relié à un bijou de technologie chinoise : un caisson bleu qui renferme une batterie de voiture, et sur la façade duquel sont enfichés un fusible, une rangée de prises 12 V pour brancher des ampoules, deux hauts parleurs et un auto-radio. Le yourto-radio, appelons-le ainsi, débite en boucle une musique pop kyrghize fort amusante, sorte de turbo-folk local lourdement rythmé et agrémenté du chant aigu et enjoué de quelques chanteuses folkloriques déclamant les merveilles du Kyrghizstan... C'est fantastique ! La radio ne fonctionnant plus, nous offrirons à Cemil notre petite radio portable. Il en était tellement content qu'il l'a trimbalé avec lui toute la journée et du coup on l'entendait revenir… 


Après deux jours de repos au lac Song-Kol, nous reprenons la piste pour rejoindre la vallée de Fergana puis la frontière chinoise.
Voila encore quelques photos pour vous faire rêver...
20110913 - Kyrghzstan 1 TashKomur SongKol

mardi 20 septembre 2011

Et de 8000 !


13 septembre, col de Moldo Ashuu, 3135 m : nous passons les 8000 km !

lundi 19 septembre 2011

Photos : Ouzbékistan

Salam alekum !
Notre petite escapade kyrghize touche à sa fin. Nous avons fait un petit tour sur les hauteurs du plateau de Song Kol et, après 400 kilomètres de piste pourrie, nous voilà de retour dans la vallée de Fergana, à Osh, deuxième ville du pays.
Dans le petit appartement qui sert d'auberge pour voyageurs, et où nous avons échoué, nous retrouvons Internet, et pouvons donc enfin vous publier les photos de nos "vacances" en Ouzbékistan, avec mes parents.
20110905 - Uzbekistan
Le récit et les photos du Kyrghizstan suivront bientôt... Deux pays en -stan, deux pays voisins, deux anciennes républiques soviétiques, mais la comparaison s'arrête là : notre expérience y est complètement différente !
A bientôt donc...
Thomas et Elise

mercredi 7 septembre 2011

Du Kirghizstan...

Après avoir profité jusqu'au bout du confort et des commodités de l'hôtel Uzbekistan, nous quittons finalement Tashkent à 16 heures. 45 kilomètres plus tard, nous voici à Toytepa, sur la route de vallée de Fergana...
Comme après Istanbul, la reprise n'est pas facile... C'est la fin du tout-confort. Après une semaine nourris-logés-transportés-guidés, il faut nous replonger dans le système « débrouille toi toi-même », pour manger, pour dormir et pour s'orienter, alors que nous n'avons que quelques rudiments très basiques d'ouzbèke et de russe ! Nous serons finalement accueillis chez l'habitant trois nuits de suite, le temps de rallier Namangan.

4 jours après avoir quitté Tashkent, nous avons pu franchir sans problème hier midi la frontière entre l'Ouzbekistan et le Kyrghizstan, au minuscule poste de Uch'kurgon ! Et nous voici arrivés à Taskomur, petite ville minière sans charme mais où nous avons échoué dans une sympathique chambre d’hote...
Nous abordons peut-être maintenant l'étape la plus « roots » du voyage, deux ou trois semaines de piste à travers les steppes et les montagnes kyrghizes. Nous prévoyons de remonter vers le Nord sur la route de Biskek, jusqu'à Suusaymir, puis de grimper au lac de Song Kol via Caek, et de redescendre par une piste de traverse jusqu'à Kazarman, Jalal-Abad, puis Osh. De là nous prendrons la direction de la Chine, via Sary-Tash et le col d'Irkhestam. Les curieux iront vérifier tout cela sur une carte !!
Nous devrions avoir assez peu accès à Internet (pour ne pas dire pas du tout) ! Déjà ici, à Taskomur, il nous a fallu aller dans le bureau du Directeur de la banque pour pouvoir trouver une connexion !
Nous serons donc de retour sur la toile dans un mois sans doute, à Kashgar, en Chine... D'ici là, pas de photos, pas de nouvelles... et pas de mise à jour de notre position sur la carte... il va falloir être patients !

A très bientôt,
Thomas et Elise

vendredi 2 septembre 2011

Tourisme en famille en Ouzbekistan


Nous arrivons à Tashkent, la capitale ouzbèque,  un jour avant Catherine et Hugues, les parents de Thomas. Nous sommes très impatients de les voir : ça fait maintenant  6 mois que nous nous sommes quittés...
On est d'autant plus heureux de  les retrouver qu'ils nous apportent une valise entière de ravitaillement : une pelletée de journaux et de magazines, des petites lettres de la famille et d'amis, un bon rayon de soins pour la peau (la notre en voit de toutes les couleurs !), des pneus, des chaînes et une cassette de pignons, du vin et du fromage... Mais le plus agréable est sans doute de nous glisser dans de nouveaux habits tous frais, jolies jupes et t-shirt colorés, un vrai bonheur après tous ces mois à porter presque toujours les mêmes frippes... Les plus attentifs auront peut-être même remarqué que Thomas portait la même chemise blanche depuis un mois !

Après avoir abandonné vélos et sacoches à la consigne de l'hôtel, et laissé nos passeports dans le circuit toujours complexe des demandes de visas, nous embarquons dans un train à destination de Khiva, à l'autre bout du pays. Djakhangir, qui sera notre guide francophone pendant 10 jours, nous accompagne.

Nous voilà partis pour un petit circuit touristique à travers le pays, dépaysant pour mes parents comme pour nous, mais pas pour les mêmes raisons ! Pour nous, c'est une semaine de grand confort, car nous faisons étape de ville en ville dans des hôtels « de catégorie moyenne » (soit, ramené à notre niveau de vie à vélo, de vrais palaces !). Et c'est une semaine moins riche en rencontres, mais extrêmement dense en informations : Djakhangir nous abreuve d'explications détaillées sur l'histoire, sur la civilisation, sur la religion, sur l'architecture, sur la géographie de son pays...

Pour rallier Khiva, il faut vingt heures de train, dans un compartiment où il fait plus de 30 degrés car la climatisation fait des siennes !  Heureusement l’excellent pique nique pain-pâté-fromage, palets bretons et bouteille de vin nous aident à passer le temps. Pendant des heures et des heures nous verrons peu de traces de vie : l'immense désert de Kyzyl Koum n'est pas très hospitalier. Parfois nous voyons des habitations et des troupeaux de chèvres perdus au milieu des dunes de sables. Mais comment des gens peuvent-ils vivre ici où rien ne pousse ?

Nous arrivons finalement à Khiva, cité rebelle de voleurs et de trafiquants d'esclaves. Comme à Yazd en Iran, les bâtiments sont en briques de terre cuite, ce qui donne à la ville cette teinte ocre si caractéristique. Quant aux minarets, aux portails des medersas et aux coupoles des mosquées, ils portent encore ces faïences turquoises si caractéristiques de l'Orient.


500 kilomètres sur une route défoncée en travaux, soit 8 heures de route à travers le désert, nous amènent ensuite à Boukhara, ancienne capitale du khanat (royaume) sassanide au 9e siècle, et ancienne cité caravanière au carrefour des routes de la Soie vers la Chine, l'Inde, la Russie et l'Europe. La ville regorge de monuments à visiter : la citadelle du Roi sassanide, des mosquées et écoles coraniques, un ancien mausolée du X ème siècle, le palais de l'émir du XIX ème siècle...

Nous quittons ensuite Boukhara en direction du Nord-Est, et faisons étape pour la nuit près de l'oasis de Nurata, dans un campement de yourte tenu par un couple de russes, en plein dans le désert. Le soir, balade en chameau et musique traditionnelle kyrgyze au coin du feu... Pause baignade le lendemain dans le lac Aydar Kul, créé dans les années 70 par les soviétiques dans le but d'écrêter les crues de l'autre grand fleuve du pays, le Syr Daria.

Nous arrivons à Samarcande pour la fin d'un festival de musiques du monde, qui se tient en plein sur la somptueuse place du Régistan, entre trois gigantesques portails d'écoles coraniques. Samarcande, ville mythique de l'Orient, capitale de Tamerlan, dont l'empire s'est étendu de Constantinople jusqu'à Dehli, fut également une étape charnière de la Route de la Soie. Nous y visiterons aussi l'impressionnante mosquée Bibi Khanoum, et les ruines de l'observatoire d'Oulour Beg...


Nous sommes finalement revenus à Tashkent hier, à bord du train Shark, et c'est ainsi que se boucle notre petite boucle de la mi-parcours... L'excellente surprise à notre arrivée fut d'avoir réussi à obtenir nos deux visas kyrghyzes et chinois... obtenir deux visas, dont le chinois, dans une capitale d'Asie centrale, en ne passant que 48 heures dans cette capitale, relève d'une petite prouesse, que nous avons soigneusement arrosé pour notre soirée d'adieu avec mes parents et avec Djakhangir...

Mes parents ont pris l'avion ce matin à l'aube, et sont déjà en Europe à l'heure qu'il est... Un énorme merci a eux pour ces 10 jours de vacances. On adore les visites !
Pour notre part nous quitterons Tashkent cet après-midi, direction la vallée de Fergana puis les grands espaces du Kyrghizstan : nous avons hâte de ré-enfourcher nos vélos, et de partir sillonner les paysages kyrghyzes, que l'on dit paradisiaques...

PS1 : Nous publierons bientôt l'album avec les photos de Khiva, de Boukhara, de Samarcande et du désert de Kyzyl-Koum... il y a un peu de tri à faire...
PS2 : Des nouvelles recettes sont en ligne !