lundi 22 août 2011

Course contre la montre

Nous avons quitté Mashad dimanche dernier pour nous engager dans un petit rallye : rallier Tashkent en 7 jours, pour l'arrivée des parents de Thomas. 1200 kilomètres de désert nous séparent alors de la capitale ouzbèke, la moitié de sable, l'autre de coton.

Acte 1 : de Mashad à la frontière turkmène

Après 3 semaines de vacances, nos petits vélos reprennent du service, et commencent en beauté : nous parcourons 122 kilomètres de Mashad à Mazdavand, record journalier battu !



Le lendemain, nous filons comme l'éclair dans un désert de sable et de caillasse, sur un bitume impeccable. Deux camionneurs nous interpellent et nous offrent une pastèque... Amusant, pour notre premier jour en Iran, nous nous étions également fait offrir des pommes sur la route...

Mercredi 17 août. Nous abordons la frontière turkmène au petit matin. A 7 heures, un policier iranien vient ouvrir la lourde grille du portail, pour nous permettre de pénétrer, comme le précise l'inscription en farsi et en russe sur le fronton rouillé, dans la « zone de transit frontalier de Sarakhs ».
Une fois passées les formalités de sortie on s'oriente vers un pont métallique qui franchit une malheureuse rivière asséchée, qui marque la frontière. Sur le pont, on chante « Ayatollah caca, khomeyni petit zizi »... Je rêvais de voir Elise ôter le bas de son pantalon, arracher violemment son hedjab, et secouer sa crinière aux yeux des soldats iraniens qui gardent le pont... Mais, plus réservée, elle préfère attendre d'être en terrain sûr !
De l'autre côté du pont, on se reformate en mode « turc » pour saluer les soldats turkmènes. Pas de bol, en turkmène on ne dit pas « Merhaba », on dit « Salam », comme en Iran !

Acte 2 : Le Turkménistan

(Enfin) finis les tchadors noirs, ici les femmes portent des longues robes colorées et élégamment taillées. Les hommes ont des dents en or, et les faciès ont très nettement changés : il y a quelque chose de mongol dans ces visages burinés, les yeux bridés, la tête un peu plus aplatie et la peau brûlée par le soleil.
Le désert a fait place, miracles de l'irrigation, à des milliers d'hectares de champs de coton. Nous traversons maintenant ce désert vert confortablement installés dans un taxi. Il fait 45°C dehors. La route est droite à l'infini, parfaitement plate, l'horizon tracé au cordeau... Sur les berges des canaux, les roseaux plient sous un vent puissant et régulier qui souffle du Nord... décidément, on ne regrette pas de parcourir ces 200 kilomètres en voiture !
« Yol yervet, yol yervet! » répète notre chauffeur, en zigzagant entre les nids de poule. « La route est pourrie ! ». En fait, tout est yervet au Turkmenistan, nous confie-t-il : les bâtiments, les routes, les camions, l'économie, la politique...

Palais de marbre blanc et hôtels minables...

Nous arrivons à Mary après 4 heures de route, une performance au vu de l'état de la route. Larges avenues à 3, 4 ou 5 voies, grands bâtiments de marbre blanc abritant diverses administrations, monuments à la gloire de Nyazov, de ses parents ou des victimes de la guerre... bienvenue dans une ancienne République soviétique !


Nous faisons la connaissance de Bakhtir, qui nous conduit dans un hôtel pas cher où il vient de passer la nuit. Le prix (6 manats/personne, soit 1,5 euros!) est à la hauteur du standing de cet hôtel délabré : pas de salle de bain, mais deux trous séparés d'une planche de contreplaqué font office de WC communs. Au mur, un tuyau en PVC pendouille, il est équipé d'une vanne et sert de robinet. Dans les chambres, les vitres ont les carreaux cassés, la porte n'a ni serrure ni poignée, et on dort sur de vieux sommiers à ressorts, couverts d'une couche et d'un drap à la salubrité douteuse.

Bienvenue en vodka-land !

Nous sortons ensuite dans un petit boui-boui du bazar, où l'on nous sert trois bières à la pression bien fraîches... Un vrai régal : voilà plus d'un mois que nous n'avons pas bu une goutte d'alcool !Pour la deuxième tournée, Bakhtir cale à mi-hauteur du verre... Pas de souci, le remède est simple : 100 grammes de vodka ! Aussitôt dit aussitôt fait, le patron lui sert un petit verre rempli à ras-bord, que Bakhtir descend d'un trait. Le teint rougi, les yeux pétillants, il peut ensuite finir son demi de bière tranquillement, tout en poursuivant la conversation avec un ton un peu plus enjoué. Arrivés à la fin du verre, Bakhtir recommande un verre de vodka avant de quitter le bar, les yeux vitreux.


En Iran, il fallait se battre pour payer une addition. Ici, nous devons préciser à Bakhtir que nous ne lui payons que ses deux bières, mais à lui de régler ses vodkas. Les invitations, si nombreuses en Iran, ont disparu. Ici, tout se monnaie, du trajet en voiture jusqu'au gardiennage des sacoches à l'hôtel.
Enfin, après trois semaines dans un pays où l'alcool est prohibé, nous voici arrivés dans une région où la vodka, triste leg de l'occupation russe, envahit les étals des supermarchés et ravage les esprits des hommes. Nul doute, cette frontière que nous avons passé ce matin, elle est loin d'être artificielle !

Ce cher président

Au musée historique et ethnographique de Mary, le plus amusant est, sans aucun doute, la section consacrée au Président Gurbanguly Berdymukhamedov, successeur de Nyazov depuis sa mort en 2004.
Une série de photos, plus truquées les unes que les autres, présentent le cher président des turkmènes dans toute sorte de situations abracadabrantes : diplomate, on le voit serrer la poigne aux grands chefs d'Etat de ce monde. Entrepreneur, on le voit inaugurer une usine hydraulique et visiter un atelier de tissage. On le voit aussi en costume traditionnel monter un cheval turkmène, et faire le feu dans une yourte. Sportif, on le voit faire du VTT et jongler avec un ballon de football...



A la télévision, sur les chaînes nationales, on ne voit encore que lui : signer des gros contrats pour la construction d'un nouveau bâtiment pharaonique et inutile, guider la visite de chantier pour les patrons de Bouygues (heureux maîtres d’œuvre de ces chantiers dispendieux), repartir au volant de son rutilant 4x4 blanc...
On croit rêver, mais c'est pourtant vrai ! Au 21ème siècle, il existe encore des pays où le président entretien un culte de la personnalité aussi ridicule, et des populations pour ne pas s'en offusquer outre mesure...

Pour rallier Turkmenabat, nous voyageons en train de nuit. Les vélos trouvent leur place sans difficulté dans le fourgon de queue, à côte d'une cargaison de tapis.

Acte 3 : dernière ligne droite

Nous quittons Turkmenabat le lendemain samedi, à l'aube, pour attaquer la plus longue journée de notre voyage : l'objectif est d'atteindre Bukhara, à 140 km d'ici. Avec en prime une frontière à franchir dans la matinée...
Partis à 5h30, nous parcourons les premiers kilomètres à la fraîche et franchissons l'Oxus (l'Amu-Darya) au lever du soleil, sur un pont flottant fait de barges métalliques amarrées les unes aux autres à travers le fleuve.  


Nous atteignons le poste frontière turkmène à 8 heures, c'est l'ouverture. Une petite foule bigarrée de femmes en robes colorées et d'hommes en tenue du dimanche s'est massée devant la grille. Les soldats turkmènes arrivent prendre leur service et laissent filtrer les gens un par un, en entrouvrant le portail, après avoir vérifié leur passeport.
Petit à petit la « foule » se presse contre le portail, s'impatiente, commence à pousser. Les soldats résistent, ils sont maintenant 5 ou 6 à maintenir fermement la grille. Les gens poussent, râlent, poussent plus fort encore... A deux reprises, les soldats cèdent, la grille s'ouvre en grand et déverse son flot de voyageurs pressés sur le tarmac de la zone de transit.
Apparemment la scène est quotidienne. Cependant, à voir les soldats et leurs fusils en bandoulière, nous craignons qu'elle ne dégénère : un nouveau mouvement de foule, l'énervement de l'officier, des coups de semonce en l'air, puis dans la foule ??

Ce ne sera heureusement pas le cas. 10 minutes plus tard, l'officier nous ouvre la barrière et nous cheminons vers les rituels contrôles de police et de douane turkmènes, puis ouzbèkes. De formulaires inutiles en questions idiotes, ces formalités sont toujours aussi ridicules.
A la douane turkmène : - Vous avez un ordinateur ? - Oui. - Montrez le moi. J'ouvre ma sacoche et sors le petit portable. Je ne l'allume même pas. - Qu'y a-t-il dedans ? - Des « informations touristiques ». – Rien sur le terrorisme ? - Non. - Bien, c'est bon, allez-y.
Chez le médecin ouzbèke : - Êtes-vous en bonne santé ? - Oui. - Diarrhée, fièvre ? - Non, non. - Ceci est un thermomètre, je vais prendre votre température. Il me pointe son pistolet infrarouge sur le front. L'appareil, visiblement pas très fiable, affiche 35°C !! - Bien, c'est bon, allez-y.

Nous sommes finalement « libérés », côté ouzbèke. Youpie, mais il nous reste 100 km à couvrir ! Sur la route, les gens nous saluent ou nous sifflent, les cyclistes locaux viennent rouler quelques mètres avec nous, les enfants nous crient « Hello, hello ! »... On se croirait revenus en Turquie !



Après plus de 8 heures à pédaler et 140 km au compteur, nous arrivons à Bukhara épuisés. Je suis vidé, j'ai mal au ventre, sans doute à cause du soleil, ou d'avoir grignoté des figues et des biscuits secs ouzbeks toute la journée...

Bukhara – Tashkent
Dernière étape de notre rallye ce matin, 15 kilomètres au petit matin pour rejoindre la nouvelle gare ferroviaire de Bukhara. Et nous voici à bord du train Sharq, 2e classe, destination Tashkent... Mes parents arrivent ce soir par avion, nous allons passer 8 jours avec eux pour découvrir Khiva, Bukhara et Samarcande... trois perles de la Route de la Soie ! La suite au prochain numéro...

L'album photo de la traversée Mashad - Tashkent :
20110820 - Mashad-Tashkent

dimanche 21 août 2011

Photos : Iran, de Tabriz à Mashad

Suite de la livraison de photos : voici les images de notre traversée d'Iran, via Tabriz, Esfahan, Shiraz, Yazd et Mashad.

20110816 - Iran

Photos : d'Erzurum à la frontière iranienne...

Bonjour à tous !

En Iran il nous était impossible d'accéder à Picasa pour mettre nos photos en ligne... Au Turkménistan, impossible d'accéder à Internet tout court...
Rassurez-vous, nous voici maintenant en Ouzbekistan, et dans la capitale s'il vous plait : ici Internet fonctionne (à peu près) correctement.
Voici une première série de photos, avec les derniers jours en Turquie et le passage au pied du mont Ararat...
Bon diaporama !

20110731 - Turquie 7 Erzurum Dogubeyazit Ararat

mercredi 17 août 2011

Le tchador et l'anti-filtre

Après la Turquie des champs, nous sommes partis à la découverte de l'Iran des villes... Nos petits vélos ont quant à eux fait route à part : ils ont voyagé seuls, comme des grands, dans un train pour Mashad à l'est de l'Iran, où nous les avons retrouvés après 2 semaines de tourisme dans les magnifiques cités perses d'Esfahan, de Shiraz et de Yazd.

De ville en ville nous avons été accueillis par des couch surfeurs iraniens, tous plus gentils les uns que les autres, et constamment prêts a rendre service. De jeunes couples trentenaires en familles traditionnelles, nous avons essayé de mieux percevoir le quotidien de tous ces individus ayant vécu une révolution, une guerre de 8 ans et actuellement dirigés par un régime totalitaire...

Bienvenue au pays des interdits et de la censure...

De l'interdiction de boire de l'alcool et de se promener avec des jeunes du sexe opposé, à celle de critiquer le gouvernement, en passant par l'interdiction d'installer une antenne satellite pour accéder aux chaînes du monde entier, la liste est longue... « Ici tout est interdit. Je ne veux même pas de vacances car je ne saurais pas quoi faire ! » nous dira un jeune de notre âge.
Sur les trottoirs on croise de très nombreux militaires, policiers et soldats. Difficile de s'y retrouver car il nous semble qu'aucun n'a le même uniforme... Point commun : ils sont le support de l'appareil politique de la République Islamique, et sont donc là pour faire respecter les lois. Nous, touristes, nous ne risquons pas grand chose mais nous avons instantanément ressenti le climat d'angoisse et de méfiance qui règne en permanence.
Vous pensez bien qu'internet est filtré : Facebook, You Tube, mais aussi certains articles du Monde.fr et même notre blog est inaccessible. On ne saisit pas toujours les raisons de ces censures, mais c'est comme ça !
Mais la censure peut peu de choses face à l'ingéniosité des geeks et des pirates de l'informatique. Des « anti-filtres » ont vite été développés, et tous les internautes iraniens ont installé un de ces logiciels pirates qui permet de se connecter à Internet au travers d'un serveur proxy distant, doté d'une adresse IP étrangère et qui ne subit donc pas le filtrage...

...où la religion est omniprésente...

Qu'on l'aime ou ne l'aime pas, la religion est partout : avec les minarets des mosquées dominant les paysages, les portraits des éminents imams Khomeyni et Kameni placardés à chaque coin de rue, avec les tchadors et les voiles habillant les femmes, avec les mollahs monopolisant les chaînes de télévision.
Un jeune architecte nous a dit : « Ici tout est lié à la religion même la construction de toilettes ! Il est interdit de les orienter dans le sens sud-nord de peur de montrer ses fesses a la Mecque ! ».
Pour autant, la plupart de nos rencontres en Iran ne correspondent pas exactement aux clichés qu'on peut se faire de la population de la République Islamique... mais elles sont représentatives d'une certaine frange de la jeunesse iranienne, à Téhéran ou dans les autres grandes villes du pays. C'est cette jeunesse dépeinte dans les Chats Persans, ou dans Persepolis, qui haït son gouvernement, écoute du rock et garde de la vodka au frigo.
66% des iraniennes affirment ne pas aimer porter le voile (ce que je comprends encore plus maintenant) et seulement 10 % de la population ferait le ramadan. Qu'en conclure en termes politiques ? Pas grand chose, dans la mesure où, contrairement à leur régime, certains iraniens savent marquer la différence entre leur foi et leurs idées politiques. D'autres non : 'Je ne fais pas le ramadan, je suis socialiste !'

...et le changement politique, pas pour tout de suite !

La grande majorité des gens en Iran sont déçus par le gouvernement, mais, d'après certains de nos hôtes, bien peu d'entre eux sont suffisamment éduqués et ouverts sur le monde extérieur (Internet, TV étrangère, livres...) pour se rendre compte du caractère particulièrement autoritaire du régime des mollahs, par rapport aux autres pays. Impossible pour eux d'imaginer des alternatives.
« Le changement est possible, mais il prendra du temps. La dernière révolution datant de 30 ans, la prochaine ne pourra pas avoir lieu tout de suite ! » nous dira Mehmet.
D'autre part, beaucoup de jeunes ont été échaudés par les mouvements de 2009, où ils ont perdu des proches, assassinés par la police ou par les milices révolutionnaires. Vu la brutalité du régime, les jeunes ne sont plus forcément prêts à risquer leur vie pour tenter l'impossible.
Trop de gens encore en Iran n’aspirent pas au changement. Au mieux, un basculement politique et un changement de présidence est possible... Ahmadinedjad devra peut-être passer la main. Mais la chute de l'indéboulonnable Guide Suprême, et du régime des mollahs, qui contrôle aussi toute l’économie du pays, ne semble pas être pour demain.
Lorsque l'on évoque le printemps arabe, les avenirs probables pour l'Egypte, pour la Tunisie, pour la Syrie, les iraniens ne se positionnent pas. Ils attendent de voir qui prendra le pouvoir là-bas avant de juger le caractère positif ou négatif de ces révolutions. Ici plusieurs milliers de personnes ont soutenu la révolution en pensant que ce ne pourrait pas être pire que sous le Shah, et pourtant...

Et les femmes dans tout cela ?

Après quasi trois semaines passées en Iran, j'ai hâte de quitter ce pays où l'on vous fait bien comprendre que vous êtes toujours inférieures aux hommes (ce qui est noté textuellement dans le Coran) et où on tente de vous rendre invisible.
Déjà il y a le voile, toujours là pour vous cacher les cheveux et surtout vous faire transpirer. On aperçoit tout de même un certain nombre de jeunes iraniennes qui le porte « à la rebelle », en laissant largement dépasser une mèche de cheveux, voire la moitié de la chevelure... En revanche toute femme se doit de porter un vêtement long qui cachent les bras, le décolleté et les fesses : inutile de venir en Iran pour reluquer les fesses des filles...
Le ressenti de chaque femme par rapport à ces tenues de rigueur se trahit dès qu'on quitte l'espace public pour rentrer dans l'espace privé : la plupart des femmes que nous croiserons, à Tabriz, à Esfahan et à Shiraz, se débarrasse de leur voile dès le seuil de la porte franchi, et troque bientôt la longue tunique pour des habits légers et courts bien plus adaptés à la chaleur de l'été iranien.

Mais il y a aussi le tchador. Ce long voile noir que certaines femmes maintiennent serré dans leurs mains, ou entre les dents lorsqu'elles ont les mains prises, les recouvre de la tête au pied et ne laisse dépasser que l'ovale de leur visage, Ainsi enfermées, elles ne sont plus que l'ombre d'elles mêmes, et leurs silhouettes noires qui glissent sur les trottoirs sont parfois attristantes.. J'ai porté le tchador lorsque nous sonnes allés visiter le mausolée de l'un des douze imams de l'islam chiite...un grand lieu de pèlerinage où il n’était pas question de venir sans ce déguisement. Comme je me suis sentie mal a l'aise et soumise dans cette tenue !
Plus déconcertant que les tenues, il y a les codes de conduite. Dans les bus, ne pensez même pas vous asseoir n'importe où : le bus est séparé en deux parties. Les hommes montent à l'avant, et les femmes à l'arrière. Le bon musulman ne doit pas serrer la main à une femme ne faisant pas partie de sa famille, ni s’asseoir à ses cotés, ni même la regarder dans la yeux... Thomas a le droit à de chaleureux accueils tandis que moi je suis comme invisible. A se demander si j'ai la peste...

L'Iran pendant le ramadan

Se passer de boire, de manger, de fumer, de rire du lever du soleil (4h10) à son coucher (19h45)... Voila ce que tout bon musulman est censé faire pendant le mois du ramadan.
Ici, il a commencé un jour après les autres pays musulmans. Pourquoi ? Et bien tout simplement parce que les hauts responsables religieux du pays ont décidé de montrer au monde entier que l'Iran est différent des autres pays !
Apparemment le jeune n'est suivi que par 10 % des iraniens. Beaucoup ne font qu'un jeune partiel (ils se privent seulement de manger, mais pas de boire ; ou ils jeûnent seulement pendant une partie du mois).
Dans la rue, partout autour de nous, nous croisons quantité de gens qui suivent plus ou moins fidélement ces préceptes... Bien sûr, les restaurants et les pâtisseries font porte close. Les rares établissements ouverts sont voilés d'un long drap, ce qui permet d'ailleurs de les repérer facilement depuis la rue. Mais on voit aussi des gens pique-niquer dans les parcs, et même, ô hérésie, boire aux fontaines des mosquées !

Le rêve d'émigrer

Qu'ils soient architectes ou géologues, économistes ou ingénieurs, les voisins, les amis ou les cousins de nos hôtes, 95% des jeunes de 20 a 30 ans que nous avons rencontré souhaitent partir étudier, travailler et vivre ailleurs. Ils ont tous un projet d'études quelque part dans le monde.
Ainsi, c'est toute une frange de la population qui n'a plus qu'un rêve, celui de fuir ce pays autoritaire où les libertés sont reniées, où la loi islamique étouffe la population... car dans la plupart des cas, le manque de débouchés professionnels n'est pas la première raison invoquée par ces jeunes pleins d'ambition : c'est bien une immense soif de liberté qui les motive tous à aller vivre ailleurs, en démocratie.
Destination favorite : le Canada, pays international pour lequel il est plus facile d'obtenir un visa que pour l’Europe. Mais aussi France, Italie, Suède, Grèce... l'Europe fait rêver.
Ici il est difficile de trouver un boulot : si l'on a pas de contact avec les grandes familles, on est pauvre, et si l'on participe a des réunions à contre courant, on peut se voir refuser la délivrance d'un diplôme (tel que guide touristique)...Quant aux jeunes parents, ils ne souhaitent pas voir leurs enfants être éduqués par des propagandistes. A l’école primaire, les élèves ont 8 livres : 1 de maths, 1 de science, 2 de farsi (la langue) et …. 4 de religion !

Alors que tout le monde veut émigrer vers l'occident, nous nous allons continuer notre route vers l'orient. Nous allons quitter une dictature pour en trouver une autre, le Turkmenistan. Mais nous n'allons pas y rester longtemps, car nous n'avons qu'un visa de transit de 5 jours et nous avons rendez vous avec les parents de Thomas a Tashkent, en Ouzbekistan dans quelques jours.


P.S : Un grand merci a tous pour les commentaires ou les mails : cela nous fait très plaisir

RPS : A venir des que nous aurons une connexion 'normale' , les photos d'Iran et des petites recettes.

vendredi 5 août 2011

Welcome to Iran !

35 petits kilomètres séparent la petite ville de Dogubeyazit de l'Iran. C'est une route importante, fréquentée par des taxis et des minibus qui conduisent leurs passagers jusqu'au poste frontière, occasionnellement par quelques cyclistes, et surtout par un flux continu de camions turcs et iraniens, flanqués de la pancarte « TIR » - Trafic International Routier.

Les poids lourds iraniens qui nous croisent, vieux trucks à la petite cabine et au gros moteur, tractent de sombres citernes de fioul et crachent une opaque fumée noire ; leur plaque minéralogique est frappée de chiffres en arabe... Ça nous met dans l'ambiance !!

La route longe le mont Ararat : la majestueuse montagne, culminant à plus de 5000 mètres, domine largement le paysage environnant, fait de modestes collines où les bergers emmènent paître leurs troupeaux. C'est là que l'arche de Noé se serait échoué et que la vie aurait repris, après le déluge. Les neiges éternelles contrastent joliment avec l'aridité qui règne partout autour. On apercevra le mont jusque de l'autre côté de la frontière...


On déguste nos derniers instants en Turquie : photos du paysage, saluts aux voitures qui nous doublent en klaxonnant... 500 mètres avant le poste frontière, on s'arrête écouler nos pièces de lires turques dans une petite épicerie. Ces mêmes petites épiceries que nous avons vu dans tout le pays, d'Edirne jusqu'à Dogubeyazit. On discute avec le patron... Ah, on peut dire qu'on était bien dans ce pays, et qu'on commençait presque à s'y sentir chez nous !

Avoir appris à nous dépatouiller en turc y est pour beaucoup, mais ne fait pas tout : nous avons aussi apprivoisé les habitudes des gens, assimilé les manières de communiquer... bref nous avons pris nos repères dans la vie quotidienne... autant de repères qui, une fois franchi la frontière, vont peut-être tous s'effondrer !On est un peu intimidés à l'idée de quitter la Turquie pour pénétrer en terra incognita... mais malgré tout on est pressés d'y être ! Alors zou, on parcourt les dernières centaines de mètres jusqu'au pays des mollahs.


Nous suivons l'itineraire pour les pietons et véhicules privés, pour arriver devant un policier turc qui nous tamponne notre passeport : Güle güle Turkiye !!

Face à nous, de l'autre côté de deux lourdes barrières coulissantes en acier, se dressent les portraits géants de l'imam Khomeyni, leader de la Révolution Islamique en 1979, et de l'actuel Guide Suprême Ali Khameini. Ces portraits vont nous suivre pendant toute la traversée du pays...

Nous franchissons la limite avec un petit fond d'appréhension... le genre de stress débile qui vous prend quand vous voyez un contrôle de gendarmerie sur la route alors que vous n'avez rien bu, que votre contrôle technique est à jour et que vous roulez en dessous de la limite !

Un soldat iranien nous oriente vers un grand bâtiment sur la gauche pour les formalités frontalières.


Une queue s'y est formée devant la guérite du policier en charge d'inspecter les passeports. On y trouve quasi exclusivement des locaux, surtout des iraniens de retour de vacances en Turquie (seul pays pour lequel les iraniens n'ont pas besoin de visa). Nous sommes peut-être les seuls « internationaux » à ce moment là.

Dans la file d'attente nous discutons avec un couple d'habitants de Tabriz, qui nous souhaitent la bienvenue en Iran. La femme explique à Elise qu'elle n'a pas besoin de porter le voile aussi serré, et qu'elle peut porter un simple foulard, de manière plus décontractée... Mais Elise préfère attendre le passage de frontiere et voir ensuite comment les femmes le portent localement !

Comme nous sommes étrangers, la vérification est un peu plus longue pour nous : une bonne demie heure en tout, avec en prime la visite d'un bureau spécial où un fonctionnaire est occupé à tamponner avec dextérité une grosse pile de petits formulaires. Mais au final, notre entrée est validée sans aucune difficulté particulière.

A la douane, pas de soucis, l'inspecteur ne nous demande même pas le contenu de nos sacoches, alors que certains locaux ont droit à des fouilles de bagages complètes... Et hop, on ressort de ce sombre bâtiment policier pour nous retrouver à l'air libre... en Iran !!!


Longue descente jusqu'au village de Bazargan, où nous pique-niquons sur le bord de l'avenue principale. On poursuit ensuite notre route jusqu'à Maku. Ces premières minutes dans ce nouveau pays sont riches en sensations, en découvertes, en dépaysement : les pancartes sont écrites en arabe, y compris les distances kilométriques. La langue a changé, le regard des gens aussi...


A l'arrivée à Maku, nous souhaitons changer nos lires turques pour des Rials. Pas de bol, c'est vendredi, toutes les banques sont fermées... Les seuls bureaux de change ouverts sont à Bazargan, 15 kilomètres en arrière et plus haut ! Arrgh !

Heureusement nous rencontrons Afshin, il parle un peu anglais et nous vient gentiment en aide : d'abord il nous conduit jusqu'à un distributeur automatique, tire de l'argent pour nous et nous le change à un taux très avantageux contre nos lires turques.

Une poignée de lires turques s'échange contre une liasse impressionnante de billets de centaines de milliers de Rials... c'est un peu déroutant au début, d'autant plus que les iraniens utilisent deux unités : les Rials, la valeur faciale des billets, et les Tomans, qui valent 10 Rials, et qui sont l'unité systématiquement employée à l'oral. 1 euro vaut à peu près 16 000 Rials, soit 1 600 Tomans.

Changer une cinquantaine d'euros, de quoi manger et se déplacer quelques jours à deux, amène à se retrouver avec une liasse de 800 000 Rials, souvent en coupure de 20 000 Rials (qui valent, pour mémoire, 2000 Tomans). C'est à devenir fou !

Afshin nous conduit ensuite jusqu'à la gare routière, où nous achetons un billet pour Tabriz. Deux heures d'attente plus tard, on charge les vélos dans la soute et on embarque dans un magnifique Volvo climatisé, sièges neufs encore sous plastique (en fait, les iraniens ont tendance à garder le plastique sur les fauteuils neufs, tout comme les turcs gardent le plastique de protection sur les menuiseries PVC...), et épaulettes rutilantes sur la chemise du chauffeur.


Nous arrivons à 23 heures à Tabriz, où Memet nous retrouve à la descente du bus... Au guidon de son VTT Giant, il nous guide, au milieu d'un monstrueux trafic, jusque chez nos hôtes.

Ici, le trafic est complètement dément, les voitures font vraiment n'importe quoi : griller la priorité, forcer le passage, freiner au dernier moment, tourner brusquement sans clignotant, faire des queues de poisson, couper deux files brutalement, s'arrêter intempestivement au milieu de la circulation, prendre une artère à contre-sens, faire marche arrière sur la quatre voie, prendre les rond-points à l'envers... En fait, c'est la loi du plus fort !

Dans ce monde de brutes, les piétons n'ont pas le droit d'exister, ils sont complètement ignorés. Les passages-piétons, pourtant matérialisés à certaines intersections, semblent être un concept largement méconnu : c'est assez perturbant au début de s'engager prudemment sur un passage protégé, et de voir au bout de la rue une voiture ou un autobus accélérer sans dévier sa trajectoire d'un pouce, pour finir par vous frôler, s'il ne vous a pas forcé à fuir en avant ou à battre en retraite sur le trottoir...

A vélo, on est guerre plus en sécurité... et on ne regrette donc pas d'avoir décidé de ne pas pédaler dans ce pays de fous du volant !


Voilà le petit récit de notre entrée dans l'ex-royaume de Perse, actuelle République Islamique d'Iran... Nous vous donnerons bientôt des nouvelles des découvertes et des rencontres que nous y faisons !